Il s’est vendu moitié moins de pompes à chaleur en Belgique au premier semestre 2024 qu’à la même période l’année précédente. Les entrepôts sont remplis d’appareils qui ne trouvent pas preneur. Et ce, alors même que la pompe à chaleur est considérée comme l’une des solutions de chauffage les plus durables. Ce recul est dû à une combinaison de malentendus parmi le public et d’absence de politique gouvernementale cohérente.
La transition énergétique fait l’objet de débats passionnés depuis plusieurs années, et le sujet était naturellement à l’ordre du jour des dernières élections. Personne ne conteste qu’il faille s’attaquer au problème du climat. Mais la bonne volonté ne suffit pas. Dans notre secteur, par exemple, l’idée qui prévaut est que nous devons surtout consommer moins d’énergie, alors que c’est en fait secondaire. En pratique, nous cherchons à devenir climatiquement neutres, ce qui n’est possible qu’à condition de ne plus émettre de CO2. Toutes les réglementations européennes sont donc axées sur la réduction des émissions de CO2. Cela devrait aussi être l’objectif de notre politique énergétique.
Bien entendu, il faut que cette politique reste réalisable et abordable, et c’est là que le bât blesse. La baisse des ventes de pompes à chaleur et l’incertitude qui règne sur le marché en sont la preuve.
Nouvelle construction ou rénovation ?
Le problème de l’accélération de la transition énergétique, c’est que nous voulons brûler les étapes et créer un monde idéal du jour au lendemain. Notre ambition est de passer d’un coup de 100 % de combustibles fossiles à 100 % d’électricité. Dans les nouvelles constructions, ce n’est pas trop difficile, car tous les aspects sont modifiables, que ce soit l’isolation, la ventilation, le chauffage, l’orientation de la maison… Toutes les conditions sont donc réunies pour installer une pompe à chaleur et en optimiser le rendement. De ce point de vue, le gouvernement a sans conteste fait du bon travail.
Malheureusement, nous n’atteindrons pas les objectifs climatiques avec les seules nouvelles constructions. La rénovation offre le plus fort potentiel d’amélioration, mais ce n’est pas une sinécure. Il n’est tout simplement pas réaliste de passer d’un seul coup du tout fossile au tout électrique. Avant d’installer une pompe à chaleur dans une maison existante, il faut d’abord la rendre aussi économe en énergie que possible. Cela nécessite un investissement préalable important qui ne fait qu’augmenter le coût total d’une pompe à chaleur. Une dépense hors de portée pour de nombreuses personnes.
L’hybride comme solution
En outre, on se rend de plus en plus compte que, malgré tous les investissements, une pompe à chaleur ne fait pas baisser la facture d’énergie. Au contraire, dans une maison mal isolée, l’addition risque de doubler. En effet, il n’y a plus d’alternative au gaz et donc pas de gain d’efficacité par temps froid. Toute réduction de la consommation de gaz se traduit par une hausse de celle d’électricité. Il est erroné de penser qu’on consomme moins d’énergie avec une pompe à chaleur. C’est pourquoi nous préconisons de procéder par étapes et de promouvoir une solution hybride.
Dans neuf cas sur dix, la conversion d’une chaudière fossile (existante) en un système hybride ne pose pas le moindre problème. Concrètement, cela permet de bénéficier des avantages d’une pompe à chaleur pendant l’intersaison, tout en pouvant compter sur la chaudière à gaz en hiver. Les chiffres montrent que la consommation de gaz baisse 60 à 70 % avec une solution hybride. Les émissions de CO2 diminuent donc aussi, ce qui signifie qu’une pompe à chaleur hybride contribue efficacement à la réalisation des objectifs climatiques. Cela ouvre des perspectives aux gens, car il n’est pas nécessaire de signer un gros chèque pour faire la transition.
Écart entre les prix du gaz et de l’électricité
Il n’y a certainement pas de pénurie de pompes à chaleur pour le moment. Lors de la pandémie de coronavirus, la demande de nouveaux appareils a explosé, ce qui a conduit les fabricants à investir massivement pour augmenter leur capacité de production. La tendance actuelle n’en est que plus alarmante. En effet, la demande des clients finaux est désormais à plat. Si le marché belge accuse une baisse de 50 %, la situation est encore plus grave aux Pays-Bas et en France (-60 à -70 %). Ce dernier pays est particulièrement préoccupant, car les Français ont misé de longue date sur l’électricité et ont un des marchés les plus matures pour les pompes à chaleur. Or là aussi, tout est à l’arrêt.
La cause exacte reste à déterminer. Mais en Belgique, l’absence d’une politique cohérente n’y est évidemment pas étrangère. Les gens ne savent plus ce qu’il faut faire, pas plus que les installateurs de chaudières et de pompes à chaleur. En outre, il y a un décalage entre le prix du gaz et celui de l’électricité. Pour être équivalente au prix du gaz, votre pompe à chaleur doit atteindre un COP (Coefficient de Performance) de 3,8, ce qui est tout simplement impossible à une époque où nous consommons de plus en plus d’électricité.
Pour remédier à cette situation, le prix du gaz devrait augmenter, tandis que celui de l’électricité devrait baisser. La seule question qui se pose est de savoir si c’est réaliste. Lorsque les prix du gaz ont grimpé en flèche à cause de la guerre en Ukraine, le gouvernement a déjà dû intervenir parce que plein de gens ne parvenaient plus à payer leurs factures.
Une politique claire et cohérente
Les hommes politiques ont donc fort à faire. Ils doivent proposer une politique claire et, de préférence, ne pas changer de cap au fil des mois. En fin de compte, nous devons tous apporter notre pierre à l’édifice. Au sein du secteur, nous devons proposer des solutions adéquates et fournir aux responsables politiques les outils nécessaires à l’élaboration d’une politique énergétique cohérente. L’histoire nous montre que la politique a un impact considérable sur le succès de certaines solutions. Si nous voulons miser sur les systèmes hybrides, le prochain gouvernement devra les soutenir.
En principe, l’argent ne devrait pas être le principal obstacle. Le monde politique est confronté à une alternative claire dans la transition énergétique : soit il accorde des subventions au client final pour qu’il installe un système hybride, soit il utilise cet argent pour payer des amendes et acheter des certificats de CO2 à l’étranger. D’ailleurs, le système hybride n’est pas la panacée. D’autres solutions telles que les biocarburants et l’hydrogène peuvent également être intéressantes. Ce qui compte, c’est de prendre des décisions et de s’y tenir. Il faut être cohérent et penser à long terme.
Espérons donc que les récentes élections déboucheront bientôt sur une bonne politique. Dans un scénario idéal, les pompes à chaleur hybrides seront la solution standard d’ici 2026. Elles apporteront une réponse viable et abordable en matière d’énergie dans le cadre de la problématique complexe du climat.